Karaté
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Le karaté, littéralement voie (do) de la main (te) vide (kara) est un art martial (un art de la guerre) japonais créé au milieu du XIXème siècle. De racines indiennes mais surtout chinoises, il est passé, grâce à de nombreux experts, sur l'île d'Okinawa puis, au début du XXème siècle, sur l'île principale du Japon. Il a évolué progressivement pour devenir aujourd'hui un art martial présent et reconnu, sous différents styles, dans le monde entier.
BODHIDHARMA
Les premières traces d'une technique de coups de poing et de pied, relativement proche de la forme actuelle du karaté, apparaissent au VIème siècle de notre ère, en Chine.
Un moine bouddhiste venu de l'Inde, Bodai Daruma ou Bodhidharma, demanda asile aux moines du monastère de Shaolin, en Chine vers la fin du Vème siècle début du VIème après J.-C. Surpris par la faiblesse physique de ses hôtes, il leur enseigna une gymnastique basée sur l'observation des gestes de combats de différents animaux. Les esprits affûtés par méditations et prières découvrirent l'affutement des corps et lièrent tout : un esprit sain dans un corps sain. Bodhidharma mit au point une méthode appelée Shaolin-zu-kempo qui fut propagée à travers le pays par ses disciples, au cours de leurs pérégrinations. Cette première forme codifiée de science du combat puisait ses racines dans des méthodes guerrières de l'Inde, beaucoup plus anciennes. En Chine elle se mêla aux techniques locales. Il en résulta une grande variété de techniques mettant surtout l'accent sur l'utilisation des poings, tels le Pangai-noon, le Kung-fu, le Pakua, le Tai-chi, le Kempo, etc.
OKINAWA
L'étape suivante se place à Okinawa, île située au Sud du Japon, terre de rencontre des influences chinoises et japonaises. Cette position intermédiaire entre deux civilisations explique qu'Okinawa ait pu devenir un creuset original où ont fusionné des apports divers. C’est là, notamment, que se développa une forme de combat extrêmement violente et efficace, directement à l'origine du karaté japonais actuel. Celle-ci fut par deux fois la réponse de la population aux actes d'envahisseurs détestés.
D'abord, les Chinois, venus au XVème siècle, apportèrent, en même temps que leur civilisation, des « arts du poing » qui furent considérés avec intérêt par les habitants de l'île, tout port d'armes ayant été interdit par les autorités. Les anciennes techniques de combat locales qui avaient été pratiquées jusque-là dans le style propre à tout l’Extrême-Orient (tout de lenteur et de décontraction), plus dans un but philosophique ou pour le maintien de la santé que pour le combat réel, furent parallèlement développées dans une optique nouvelle : le but devenait l’élimination des forces occupantes malgré l'absence d’armes. Progressivement la synthèse se fit entre les techniques locales et les techniques chinoises : ce fut l'Okinawa-te ou To-de.
SAKUGAWA, LE PREMIER MAITRE DE LA MAIN DE CHINE
Né à Shuri en 1733, O Senseï Sakugawa est reconnu comme étant le premier Maître officiel de notre art martial. Après la mort de ces deux Maîtres, Kwang Chang Fu (Kushanku) et Peichin Takahara , O Senseï Sakugawa se mit à enseigner son art et devint célèbre sous le nom de To-Te Sakugawa. Il aurait reçu l'autorisation exceptionnelle de séjourner à trois reprises en Chine faisant le voyage jusqu'à Pékin où l'école du nord était pratiquée. A l'occasion de son troisième voyage, avant de mourir en 1815, il aurait présenté à ses connaissances de Pékin son cadet natif de Ryu-Kyu, O Senseï Sokon Matsumura (créateur du shorin-Ryû) qui devait avoir par la suite une grande influence sur le Karaté-Do d'Okinawa.
SOKON MATSUMURA
Matsumura (1809-1896) était le maître en arts martiaux le plus reconnu de son temps et fut qualifié de "Maître par excellence". Il a beaucoup combattu et n'a jamais été vaincu. Il a même tué un taureau de combat d'un seul coup de poing...
Il pratiquait le Shuri-te et a créé le style Shorin-Ryu. Il eut comme élèves Anko Itosu et Anko Azato.
Ensuite, les Japonais décidèrent deux cents ans plus tard de s'approprier l'île d'Okinawa dont ils convoitaient la richesse issue des échanges commerciaux avec la Chine. Une nouvelle fois les autochtones purent mettre leur technique à l'épreuve, d'autant plus que les nouveaux envahisseurs avaient imité les Chinois en interdisant tout port d’armes.
L'Okinawa-te, développé systématiquement, devint terriblement meurtrier, Son enseignement et sa pratique restèrent secrets jusqu'en 1900, date à laquelle les instructeurs d'Okinawa estimèrent que les temps avaient suffisamment changé pour qu'ils puissent se permettre de rompre le silence.
L'Okinawa-te qui ne s'appelait toujours pas karaté, fut alors enseigné ouvertement, essentiellement comme méthode d'éducation physique. De cette époque nous sont parvenus les noms de deux maîtres qui allaient devenir les chefs de file des principales écoles actuelles :
Anko Itosu (1831-1915) était un des nombreux disciple de Sokon Matsumura. Il enseignait une méthode basée sur les techniques longues, les déplacements rapides et légers (style Shorin). Maître du Shuri-te, il fut le lien indispensable entre le traditionnel et le développement d’un art confronté à un monde moderne.
Grand pédagogue et grand spécialiste des katas, il fit accepter, entre 1900 et 1903, l’Okinawa-te dans le programme d’éducation physique des écoles. C’est pourquoi, dans un but de diffusion et dans un souci pédagogique, il codifia des katas traditionnels en des katas plus courts et mieux adaptés aux enfants (les Pinans/Heians et mains fermées).
De grands hommes furent ses élèves qui devinrent également des maîtres dans l’art de la main de Chine et des pionniers dans la propagation de cet art. Parmi eux Kenwa MABUNI et Gichin FUNAKOCHI.
Kanruo Higaonna (1853-1915) donnait la préférence à un style basé sur des techniques de force, en contraction et sur des déplacements courts, surtout efficace pour le combat a faible distance (style Shorei).
Grand maître du Naha-te, il restera dans son enseignement très proche des katas originaux chinois, lui-même ayant étudié à la source dans le sud de la Chine pendant plus de 15 ans.
Parmi ses élèves, Kenwa Mabuni et Chojun Miyagi (1888-1953). Ce dernier codifiera réellement le style de Higaonna, fera des ajouts et sera le fondateur du Goju-Ryu vers 1929.
La signification ésotérique et le travail interne sont restés très présents dans les katas de ce style.
Ces deux maîtres instruisirent les hommes qui, un peu plus tard, révélèrent leur technique martiale au Japon.
Au début du vingtième siècle existait trois villages, Naha, Shuri et Tomari. C'est dans ces villages que sont apparus les trois styles de Karaté ou to-te : le Naha-te (main de Naha), le Shuri-te (main de Shuri) et le Tomari-te (main de Tomari). A chaque village son style et ses experts. le Naha-te reprenait les styles du sud de la Chine (corps à corps, techniques circulaires), le Shuri-te et le Tomari-te les styles du nord de la Chine (plus de distance, techniques plus linéaires).
Le Gôjû-Ryû et l'Uechi-Ryû sont des styles issus du Naha-te.
Le Shôrin-Ryû, le Shôtôkan-Ryû eux sont typiques du Shuri-te/Tomari-te.
Le Shitô-Ryû quant à lui reprend les bases des deux styles.
Mais bien plus nombreux sont les styles présents aujourd'hui : le Chito-Ryû, le Ryuei-Ryû, le Kyokushin-Ryû...
MABUNI
Grand maître de l’ère moderne, Kenwa MABUNI ( 1889-1952), élève de Itosu et de Higaonna, s’installa au Japon en 1929. A Osaka très exactement où il créa le Shito-Ryu, synthèse des deux styles qu’il avait appris, le Shuri-te et le Naha-te, très proche du Shotokan des premiers temps puisqu’il était élève de Itosu en même temps que Gichin Funakuchi avec qui il etait d’ailleurs très ami.
Le Shôtôkan-Ryû est un style de karate créé par Me FUNAKOSHI Gichin au début du XXème siècle. Il prend racine dans le Shuri-te de Azato Anko et de Itosu Yasutsune. Cependant le karate de Funakoshi au fil des années a énormément évolué par l'apport en premier lieu de son fils Yoshitaka et également par la création de la Japan Karate Association avec en chef de file senseï Nakayama Masatoshi
Me Funakoshi est né le 10 novembre 1868 à Yamakawa, Shuri, préfecture d'Okinawa. Descendant d'une famille de samouraï, il naît cependant dans une famille modeste. Il commence l'étude du karate à l'âge de 11 ans avec le fils du maître Azato anko (élève lui-même de maître Matsumora Sokon) qui était également son maître d'école, avec lequel il va apprendre le Shuri-te, plus tard il sera enseigné par Azato lui-même. Il apprit également avec Itosu Yasutsune, un des experts les plus reconnus d'Okinawa. Il étudia également, mais à moindre importance, avec Kiyuma Peichin. Les entraînements de l'époque étaient traditionnels, physiques, ils se déroulaient souvent la nuit et l'on apprenait le karate pas à pas (un kata tous les trois ans). Son sens de la pédagogie et son habileté martiale feront de Funakoshi un expert incontournable du To-Te (main de Chine). Instituteur sur Okinawa, il va développer et transmettre son art. Il était l'homme le plus apte à installer son karaté hors d'Okinawa.
Avec l'aide du créateur du Jûdô, Jigoro Kano, Me Funakoshi fut le premier à faire une présentation officielle du Karate à Tokyo sur l'île principale du Japon en mai 1922 (à noter que vers 1916, le docteur Chitose, créateur du Chîtô-Ryû effectua une démonstration, moins médiatique, de l'art martial okinawaien). Critiqué dès lors par de nombreux maîtres d'Okinawa pour avoir transmis "l'art secret", il sera éludé de nombreuses généalogies. Il ira s'installer sur l'île principale du Japon pour y enseigner. Le karaté n'était plus un art martial Okinawaien, il devenait Japonais et allait s'étendre dans le monde entier. Cette démarche, critiquée, s'avérait pourtant inéluctable. Me Funakoshi publie en novembre 1922 un livre : "Ryû Kyû Kenpô Karate" qui sera détruit lors du tremblement de terre de 1923, mais il en éditera un autre : "Rentan Goshin Karate Jitsu". ce n'est qu'en 1935 que Ô senseï va publier un ouvrage de référence : "Karate Dô Kyohan". Au Japon Me Funakoshi va ainsi changer le nom okinawaien des kata qu'il transmettait en nom "plus Japonais" pour une meilleure compréhension et ainsi une meilleure diffusion.
Me Funakoshi va ainsi commencer à enseigner dans les universités japonaises et travailler comme gardien de dortoir. Le karate du maître commence à se développer, plusieurs "clubs" universitaires vont se créer et le maître ira y enseigner (le karate moderne naissait, ce n'était plus l'élève qui venait voir le senseï mais le senseï qui se déplaçait pour instruire des élèves en très grand nombre). Malheureusement le fait d'enseigner à des jeunes de manière traditionnelle (kata et bunkaï uniquement) va se retourner contre Me Funakoshi, tous ses "élèves" avaient bien entendu envie d'aller plus loin, pratiquer le kumite (combat), ce que Me Funakoshi se refusait de faire et il arrêta par la suite d'enseigner dans de nombreux dôjôs universitaires. Ce n'est qu'en 1936 qu'il va faire construire au Japon avec l'appui de ses élèves sa propre école, le Shôtôkan (académie (kan) de Shoto : "ondulation des pins sous le vent"). Ce dôjô donnera le nom au style de karaté. Ce Shôtôkan comprendra 15 katas fondamentaux et plusieurs créations personnelles : Ten-no-kata et les trois Taikyoku (shodan, nidan, sandan) qu'il avait conçus avec l'aide de son fils Yoshitaka (Gigo). Ce style reprend principalement les bases de Itosu senseï, le karate appris de Azato ne sera enseigné qu'à son fils Yoshitaka. Le Shôtôkan va être totalement détruit pendant la seconde guerre mondiale et de nombreux élèves de la première heure, gradés, seront tués au cours de cette guerre. Le Shôtôkan sera rebâti à l'identique à la fin de celle-ci.
Après la guerre les choses vont s'accélérer, Me Funakoshi restera en retrait du dôjô et laissera évoluer le cours des choses. Il décéda en 1957 laissant derrière lui un Shôtôkan en pleine mutation. Ses cendres seront dispersées à Okinawa, terre de ses débuts de karatéka
YOSHITAKA, LE FILS QUI VA CHANGER LA FACE DU SHÔTÔKAN
Son fils et élève, Yoshitaka (né en 1906) va sensiblement modifier le style originel de son père. En effet il va introduire le travail de kumite que son père avait toujours refusé, il va également agrandir les positions pour "s'ancrer" d'avantage au sol et maximiser la puissance des hanches ; il va également rechercher dans son étude l'attaque ultime, l'attaque décisive comme au temps des samouraïs et de leur travail au sabre. Son entraînement fut intense, voire excessif, se sachant malade et condamné (il avait contracté une pneumonie dans sa jeunesse) ; il a poussé son corps dans ses derniers retranchements avec des entraînements toujours plus éprouvants et est devenu un karatéka d'une très grande puissance physique (on dit qu'il cassait régulièrement les makiwaras). Instructeur principal au dôjô du Shôtôkan, il va transmettre un karaté différent de celui de son père et sûrement très proche de celui de Me Azato, l'un des professeurs de Funakoshi Gichin. Celui-ci enseigna seulement à son fils l'approche de Azato et enseigna aux "autres" l'approche de Itosu. Il va en plus mettre au point les Yoko-Geri, Mawashi-Geri et Ushiro-Geri, les mouvements vont devenir plus amples et les positions bien plus basses. A partir de 1940 après le départ pour Okinawa de Funakoshi père, Yoshitaka va dispenser ses cours à de nombreux kamikazes, le spirituel s'éteignant derrière le besoin d'efficacité. A la fin de sa vie, il ne viendra enseigner au Shôtôkan que un ou deux jours par semaine et seulement à des gradés avec lesquels il s'entraînait depuis longtemps. Il s'éteignit en 1945.
NAKAYAMA MASATOSHI, LE SUCCESSEUR OFFICIEL DE FUNAKOSHI
Me Nakayama est né en 1913 au Japon, il sera initié dès l'âge de 10 ans au Jûdô et dès 13 ans au Kendô par son père. A l'âge de 19 ans il entre à l'université de Takushoku pour étudier l'art et l'histoire. Il va ainsi découvrir le karaté enseigné à l'époque par Gichin Funakoshi lui-même. Les entraînements étaient d'inlassables et éprouvantes répétitions de kata et de frappes sur makiwara. Il restera 5 ans auprès du maître avant de partir pour la Chine dans le cadre de ses études. Il continuera à s'entraîner et découvrira les boxes chinoises et le Tai Chi Chuan. Ce n'est qu'en 1945 qu'il revient à Tokyo où il ne trouve qu'un shôtôkan détruit par les bombes. Beaucoup de ses anciens partenaires d'entraînements sont morts. En 1957 Nakayama organise les premiers championnats du Japon. Il instaure aussi un système de grade à 8 dans. Me Nakayama va écrire de nombreux ouvrages sur le technique du Shôtôkan-Ryû. Il s'est éteint en 1987 à l'âge de 74 ans.
NISHIYAMA
En 1951, Nakayama et Nishiyama créent la JKA, Japan Karaté Association, avec l'aide de Takagi senseï. Ainsi, sont formés nombre d'instructeurs chargés d'enseigner le karaté Shôtôkan à travers le monde. Nasiyama part enseigner aux Etats-Unis. En 1968, Nishiyama oragnise les premiers hampionnats du monde de karaté.
LA JAPAN KARATE ASSOCIATION
Fondé par Nakayama et Nishiyama, la J.K.A fut intégrée au ministère de l'éducation dès 1955 comme association représentative. Ils ont reçu le soutien de nombreux karetékas tels que Okazaki senseï et Sugiura senseï. Mais très vite sont apparues des divergences de conception du karaté entre les anciens, plus élitistes et les jeunes. Ainsi les entraînements devinrent de plus en plus physiques.
MASUTATSU OYAMA ET LE KYOHUSHINKAI
Né en Corée du sud en 1923 sous le nom de Yong I-Choi, initié à la pratique des arts martiaux à 9 ans, à la ferme familiale, il part vivre au Japon à 15 ans où il joint l’armée impériale japonaise dans l’espoir de devenir pilote de chasse. La vie difficile d’un coréen au Japon l'oblige à changer son nom pour le nom japonais de Masutatsu Oyama. Elève de Funakoshi, puis de Maître So nei Chu qui était un élève de Chojun miyagi, le fondateur du Gojo-ryu. Après une retraite pour méditer et s'entraîner, il voyage et affronte des karatékas, boxeurs, lutteurs, taureaux... En 1957, il fonde son école de karaté qu'il appelle en 1964 Kyokushinkai, l'école de l'ultime vérité, karaté de full-contact, qui met l'accent sur l'efficacité en combat réel. Il meurt en 1994.
En 1958 la J.K.A fut reconnue par le gouvernement japonais. Par la suite les dirigeants envoyèrent leurs meilleurs experts à travers le monde comme les senseï Kanazawa, Kase (France), Shirai, Ochi, Enoeda, Miyazaki...
LE TRAVAIL DU SHÔTÔKAN-RYÛ AUJOURD'HUI
Le Shôtôkan est un style dur, dynamique avec des mouvements amples. Les mouvements et déplacements sont relativement linéaires. Les positions basses imposent une forte mobilisation des hanches pour se déplacer et cela forge les cuisses. Le principe est qu'une fois efficace sur des positions basses, on ne peut qu'être rapide, puissant et bondissant une fois relevé (en combat). Le Shôtôkan s'avère être un karaté simple pour les débutants (kata taikyoku, heian, techniques de base) mais dès que l'on monte en grade cette vérité s'amenuise. En effet, être rapide sur des positions basses est difficile, les rotations inhérentes aux katas de ce style sont une difficulté majeure lorsque l'on étudie profondément un kata. Sa trop grande linéarité est, il est vrai, un handicap. Mais l'idée qu'il faut toujours garder en tête c'est que le Shôtôkan n'a qu'un but : une attaque décisive.
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Le Reigi-Saho est défini comme étant le comportement exprimant la politesse et la courtoisie, au Dojo comme dans n'importe quelle activité de la vie quotidienne. Il s'agit d'une attitude empreinte de respect envers autrui et prescrite dans les arts martiaux traditionnels japonais par les dispositions immuables d'une étiquette, Rei Shiki. Le salut n'est que l'une des expressions de cet état d'esprit du véritable Budoka.
L'étiquette au Japon est une notion légèrement différente de la nôtre. Pour les Japonais, elle signifie avoir de bonnes manières : être poli, saluer en s'inclinant, hocher la tête en signe d'écoute, utiliser des sons d'écoute, essayer de comprendre l'autre au lieu de se faire comprendre, arriver à l'heure, présenter une personne à une autre tout en parlant avec un ton poli et posé. Nous avons incorporé ces façons de se comporter à notre pratique occidentale du karaté. L'étiquette dans le dojo n'est pas conçue pour glorifier les seniors. Elle n'est pas conçue pour contribuer à la doctrine des arts martiaux. L'étiquette au Dojo est le bon sens, la sécurité, la discipline et les bonnes manières, pour permettre un engagement optimal lors des entrainements.
Le but de l'étiquette est que les gens que nous côtoyons se sentent à l'aise. Être respectueux n'est pas un acte de discipline imposé sur des personnes afin de les fortifier. Nous sommes polis envers les autres afin qu'elles se sentent les bienvenues, et jamais inconfortables parce qu'elles se demandent quel comportement adopter. Quel que soit l'acte à accomplir il y a, selon le karaté japonais, une façon économique de le faire. Un débutant peut trouver lassant les gestes et les formes des rituels. Mais, rapidement, il découvrira que les manières prescrites sont celles qui sont les plus économiques au niveau énergétique.
Le Dojo. Comme tout autre art martial japonais, le karaté se pratique dans un Dojo. Dojo est un mot japonais, d'origine Bouddhiste, qui correspond au terme sanskrit place de l'éveil, un endroit consacré à un travail sur soi par le karaté. C'est aussi l'endroit où le professeur partage sa connaissance avec ses élèves. Pour cette raison il est d'usage de saluer en entrant dans le dojo dans la direction du Joseki, et de saluer le professeur en tant que votre hôte. Effectuez le même salut lors de votre sortie du tatami à la fin du cours, et ensuite en sortant du Dojo. Théoriquement, le Dojo est construit de manière très précise, et chacun de ses quatre murs à une fonction particulière :
Kamiza, le mur frontal, est le coeur du Dojo. Dans un Dojo traditionnel japonais trône sur le mur un petit autel Shintō où l'on vénère les divinités. Le Sensei se place de ce coté, face à ses élèves. On peut également y trouver l'image du fondateur du Karate-Do, Funakoshi Gichin, une citation ou encore une calligraphie qui exprime l'idéal, la philosophie et l'éthique du club.
Shimoza est situé en face. Les élèves se placent de ce côté, les débutants (Kohaï) à la droite du Sensei, les plus gradés à sa gauche.
Joseki : les assistants du Sensei, et les ceintures noires se placent le long de ce mur, ainsi que les invités d'honneur.
Shimozeki est le coté opposé au Joseki.
Le plancher du Dojo est en bois, ou recouvert d'un tatami, sorte de matelas destiné à amortir les chutes, et à l'origine constitué de couches de pailles de riz.
Le sensei. Sensei signifie enseignant. Ce terme n'est pas réservé aux domaines des arts martiaux, il désigne, de manière générale, un enseignant. Il se place du côté du Kamiza. Si vous arrivez en retard, saluez en entrant dans le dojo d'abord, saluez le sensei, et demandez alors la permission de rejoindre le groupe.
Le sempai. La notion de sempai est surtout une notion propre au japon, ici elle est plus symbolique. Le sempai peut être le plus ancien élève du professeur, le senior, le plus ancien élève lors d’une séance, quelqu'un de plus ancien par rapport à un autre ; le sempaï signifie celui qui a commencé avant vous. Le sempaï du cérémonial c’est l’élève le plus gradé, et lorsqu’il y en a plusieurs du même grade, c’est le plus ancien. Il doit, pendant le cours et les saluts, veiller à ce que les élèves respectent bien toutes les règles du dojo. Tout pratiquant dans un dojo est le sempaï de quelqu’un…
Le kohai. Le kohai est quiconque avec moins d'expérience que vous, littéralement il signifie le "junior". Veuillez aider quiconque a besoin de votre expérience, pas avec une attitude de supériorité, mais comme modèle, avec la simplicité et la modestie de celui qui transmet ses connaissances acquises par l'effort, et la persévérance. Rappelez-vous, qu"il y aura toujours quelqu'un plus haut gradé que vous. La bonne attitude à avoir est de se considérer comme un étudiant en toute occasion ; une formation en karaté dure une vie entière !
Les saluts. Au signal, vous devez aller vous placer rapidement sur une ligne droite, du côté Shimoza, épaule à épaule, face au Kamiza et l'instructeur, en ordre de grade avec les plus avancés, les sempaïs à votre droite. Le salut marque traditionnellement le respect que l'on témoigne au partenaire, au Maître fondateur Gichin Funakoshi, à l'instructeur et au lieu d'entraînement, le dojo.
Pour le salut debout, tenez vous droit avec la paume des mains touchant le côté des cuisses. Les pieds sont ensembles, collés aux talons avec les orteils pointés à un angle de 45 degrés (musubi dachi), colonne vertébrale bien droite, les épaules tombent naturellement. Penchez vous légèrement, en gardant les yeux au sol. Si vous saluez votre partenaire durant l'entraînement, gardez un contact visuel avec cette personne. Shomen ni reï : on salue le fondateur Funakoshi, Shomen signifie l'au delà, le maître et rei c'est le commandement d 'exécution que l'on retrouve à chaque fois. Ce salut principalement sert à remercier les anciens sans qui le karaté n'aurait pu prendre naissance, et qui ont consacré leur vie pour le développer et le faire perpétuer jusqu'à aujourd'hui. Senseï ni reï : on salue l'instructeur avec un ouss ! C'est une manière de montrer son respect et sa reconnaissance au professeur. Otagai ni reï : on salue les élèves.
Notons un aspect très important concernant le regard : on baisse les yeux uniquement lorsque l'on salue à l'entrée et à la sortie du dojo, pour signifier son humilité profonde à une personne, ou encore pour exprimer des excuses à quelqu'un. Dans de pareilles circonstances et dans la position Seiza, on salue en s'inclinant très bas, le front touchant alors le sol. A l'exception des cas cités ci-dessus, on maintient toujours le regard vers la personne située face à soi lors du salut sans manquer de vigilance, et ce afin de prévenir toute attaque surprise. Selon la coutume du Budo il s'agit d'une erreur de votre part car vous pouvez recevoir une attaque au moment où vous avez baissé le regard. Dans une scène d'un de ses films, Bruce Lee assène un coup de pied à un élève qui l'avait quitté des yeux lors du salut...Pour s'asseoir dans le dojo, il existe deux postures à adopter. La première est la position agenouillée en seiza. La seconde est la position en anza, assis avec les jambes croisées.
Il est de mise de prendre l'une de ces positions lors d'explications, de démonstrations ou de période de repos. Il faut absolument éviter de se coucher sur le sol ou de s'asseoir avec les jambes allongées, car ces postures, en plus d'avoir l'air négligé, peuvent être sources d'accident.
Il faut également éviter d'adopter une posture nonchalante : un karatéka doit toujours être alerte et savoir bien se tenir à l'intérieur du dojo car le corps envoie beaucoup de messages : les bras croisés, par exemple, sont un signe de fermeture.
Pour saluer, assis en seiza, il faut d'abord poser la main gauche au sol et ensuite la main droite. Les deux mains se rejoignent en triangle, doigts vers l'intérieur. En se relevant, c'est d'abord la main droite qui vient se mettre sur la cuisse droite, puis la main gauche sur la cuisse gauche. Lors du salut , les deux mains se positionnent ensemble à terre. Shomen ni reï, on salue le fondateur, penchez vous brièvement sans toucher le sol avec votre front. Redressez vous en plaçant les mains sur les cuisses. Senseï ni reï, on salue l'instructeur avec un ouss ! Les plus hauts gradés se lèvent en premier.
Seiza est une position assise japonaise traditionnelle. Cette façon de s'asseoir sur les genoux est pratiquée dans tous les Arts Martiaux. Les genoux doivent être distants perpendiculairement de deux fois la largeur d'un poing. Les bras viennent se placer sur le haut des cuisses, les paumes de la main bien à plat. Le dos est bien droit, le poids doit être réparti légèrement à l'arrière, la tête bien dans l'axe de la colonne vertébrale. Posez directement le genou gauche au sol, puis le droit, et en s'asseyant sur les talons, orteils allongés et croisés. Les genoux sont à la largeur des épaules, les paumes sur les cuisses, les doigts vers l'intérieur de la cuisse. Le dos est droit.
Au signal mokuso, les yeux clos, on se concentre sur soi avec une respiration lente et profonde. C'est le chemin qui nous ramène vers notre propre centre, le moment qui permet d'arrêter notre dispersion dans l'entourage. Ainsi, on stimule certaines parties du corps dans cette position et on chasse hors de soi toutes pensées négatives. D'une façon pratique, cela oblige les participants à laisser toute forme d'agressivité derrière eux. Le signal d'arrêt est mokuso yame, fin de la méditation, ouvrez les yeux.
Yoi ! Soyez prêts. Après le salut du Shomen, celui qui a fondé le style, puis du professeur, l'échauffement commence, puis les élèves se placent en rangs, en position d'attente. Debout, pieds parallèles à la largeur des épaules, genoux souples. Les bras sont devant au niveau de la taille, poings fermés, dos droit ventre rentré, tête haute, fier de pratiquer à votre club de karaté. Le professeur annonce; jambe gauche devant, gedan-barai kamae-te, le compte commence : ichi, ni, san, shi, go, roku, sichi, hatchi, kū, jū (1, 2, 3, 4, 5...)
Yame. Yame signifie arrêtez l' exercice pratiqué, il faut cependant demeurer en position d'attente tant que le signal de repos yassme n'a pas été donné. Ne bougez pas et ne parlez pas au voisin pendant que l'instructeur donne ses directives pour le prochain exercice.
Quelques principes à suivre pour le bien-être de tous lors des entraînements
La tenue vestimentaire ne doit jamais être négligée. Votre équipement doit être propre et repassé
Il est important de rajuster son karatégi de temps à autre au cours de l'entraînement et avant chaque salut.
Le nœud de ceinture doit être fait correctement.
L'écusson du club doit être cousu sur le côté gauche du karatégi.
Pour des raisons de tradition et d'hygiène, il est interdit de marcher sur le tatami avec des chaussures.
Les ongles doivent être coupés, c'est une question d'hygiène et de sécurité.
Les bijoux doivent être enlevés, et les cheveux attachés en arrière avant que la pratique commence.
Un karatéka doit toujours saluer lors de toute entrée et sortie du dojo, mains sur l'avant des cuisses, regard au plancher.
S'il y a un cours qui se termine avant le vôtre, soyez silencieux pour que les élèves puissent bien entendre l'instructeur.
Si vous arrivez en retard, attendez que l'instructeur vous donne la permission de rejoindre les rangs.
Il est nécessaire de toujours avertir le professeur pour sortir du dojo pendant le cours. Si vous devez quitter avant la fin du cours, informez l'instructeur au début du cours. C'est surtout une question de sécurité.
Au signal yasme, ne quittez pas la salle pour aller boire, arrêtez de bouger et ne parlez pas au voisin pendant que l'instructeur donne ses directives pour le prochain exercice.
En silence, écoutez attentivement les consignes de l'instructeur. Regardez, puis pratiquez les techniques. On écoute le professeur et on répond à ses explications par un ouss sonore et volontaire, qui témoigne de notre bonne compréhension.
Lorsque le professeur corrige notre technique, on le remercie en disant ouss.
Ne vous appuyez pas contre le mur, ne croisez pas les bras (attitude de fermeture).
Si vous êtes à l'avant baissez vous pour permettre aux élèves derrière vous de voir les démonstrations.
Ne permettez pas à votre attention d'errer pendant le cours en jasant avec les autres. Tirez le meilleur de chaque pratique.
Après le dernier salut à la fin du cours, il est d'usage de remercier l' instructeur pour avoir partagé avec nous son expérience.
Finalement, rappelez-vous d'employer la bonne étiquette et la bonne attitude partout où vous êtes, et de manifester une certaine fierté. Tout ceci démontre qui vous êtes, et votre club où vous vous entraînez sera bien représenté.
Dojo Kun
Le Dojo Kun est un code le conduite qu'un karateka doit respecter autant au dojo que dans la vie de tous les jours. Il est habituellement récité à la fin de chaque cours.
- Recherche la perfection du caractère
- Sois loyal
- Surpasse-toi
- Respecte les autres
- Abstiens-toi de toute conduite violente
Niju Kun
Le Niju Kun consiste en 20 préceptes laissés par Maître Gichin Funakoshi à ses étudiants, pour s' améliorer à travers la pratique du Karate-dō. Les principes du Niju Kun sont concis et tendent vers une nature profondément philosophique.
- N'oublie pas que le karaté commence dans le respect et finit dans le respect.
- En karaté, on ne prend pas l’initiative de l’attaque.
- Le karaté martial est honneur et complément de justice.
- Apprends déjà à te connaître, puis connais les autres.
- Intuition plutôt que supplément technique. La technique mentale est plus importante que la technique physique.
- L'esprit doit être libre.
- La malchance provient de la négligence.
- Le karaté martial ne se pratique pas seulement au dojo. Il faut transporter les qualités acquises par le karaté dans la vie de tous les jours.
- Le karaté est la quête d'une vie entière.
- La Voie du karaté se retrouve en toute chose, et c'est là le secret de sa beauté intrinsèque.
- Pareil a l'eau en ébullition, le karaté perd son ardeur s'il n'est pas entretenu par une flamme.
- Ne soyez pas obsédé par la victoire ; songez plutôt à ne pas perdre.
- Adapter son attitude à celle de l’ennemi. Ajustez votre position en fonction de l'adversaire.
- Le karaté est manœuvre entre vrai et faux. L’essentiel en combat est de trouver le juste milieu entre les forces et faiblesses.
- Considérez les mains et les pieds de l'adversaire comme des lames tranchantes.
- Faites un pas hors de chez vous et ce sont un million d'ennemis qui vous guettent.
- Le kamæ, ou posture d'attente, est destiné aux débutants. Avec l'expérience, on adopte le shizentai (posture naturelle).
- Recherchez la perfection en kata, le combat réel est une autre affaire.
- Sachez distinguer le dur du mou, la contraction de l'extension du corps et sachez moduler la rapidité d'exécution de vos techniques.
- Vous qui arpentez la Voie, ne laissez jamais votre esprit s'égarer, soyez assidu et habile.
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Le kata ou "la forme modèle"
Les katas sont les archives du karaté. Ils ont permis de transmettre, sans écrit, le savoir de maître à élèves depuis des siècles. Ils sont pour la plupart d’origine chinoise et ont été repris par les styles de Karaté d’Okinawa.
On pourrait croire que les Katas sont des combats imaginaires. En réalité Le Kata est un combat réel contre des adversaires imaginaires. Les Katas sont le creuset pour former l’âme et le cœur du karatéka. Chaque kata permet de gravir progressivement les marches de la connaissance.
Chaque kata contient un message particulier (leur signification réside dans leur interprétation et leur application : Bunkaî) dont la compréhension passe par la pratique, par la répétition inlassable de la forme telle qu’elle nous a été transmise. Cette nécessité d’une pratique assidue se retrouvait chez les anciens dans la formule « Hito Kata San Nen » qui signifie « un kata tous les trois ans ». Il est préférable de « sentir » et travailler un nombre restreint de katas que d’en connaître superficiellement un grand nombre. Le message est alors multiple :
- La recherche de la perfection technique qui doit déboucher sur l’efficacité.
- L’attitude mentale qui se définit par Zanshin (disponibilité mentale) et Kime (esprit de décision).
- Le rythme avec des temps forts et des temps faibles suivant l’architecture du kata.
- La respiration, toujours abdominale, parfois lente et profonde, parfois sèche et rapide, souvent inaudible, quelquefois sonore.
- La maîtrise du corps et l’unification du physique et du psychique.
S’agissant d’un combat, un kata s’exécute en se livrant totalement, seule voie pour atteindre l’harmonie du corps et de l’esprit.